Projets de recherche du programme « musique en temps de pandémie » de l’OICRM

L’Observatoire a le plaisir de vous présenter les cinq équipes de chercheur/e/s qui se sont réunies dans le cadre de son programme spécial de recherche sur le thème de « musique en temps de pandémie ». Ce programme lancé en mai dernier est une initiative du comité scientifique de l’OICRM et est financé conjointement par un fonds spécial de l’OICRM ainsi que par des fonds des chercheur/e/s impliqué/e/s dans les différentes équipes.

Programme de recherche « musique en temps de pandémie »

En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifiait l’épidémie de COVID 19 de pandémie et préconisait le confinement des populations de nombreux pays du monde entier. Alors que plusieurs secteurs de l’industrie québécoise reprennent progressivement leurs activités, les organismes musicaux et les interprètes sont contraints d’annuler définitivement leur programmation de 2020 et sont incertains d’une reprise de leurs activités habituelles en 2021. Le milieu culturel s’inquiète des conditions de survie d’une pratique artistique que les instances gouvernementales n’ont pas considérée comme un besoin « essentiel ».

La presse se fait le relais des inquiétudes des musicien/ne/s et des organismes quant à la viabilité économique d’un domaine durement affecté par cette crise, pendant que les institutions, les labels et les artistes indépendant/e/s inondent les réseaux sociaux de contenu musical. Enregistrements amateurs, montages vidéo complexes « d’orchestres confinés », concerts de musique pop ou soirées de dj sets : l’écosystème musical a su adapter sa production vers la création de nouveaux espaces virtuels de rencontre avec les publics. Pour leur part, ceux-ci sont désormais exposés à des prestations presque exclusivement numériques, modifiant considérablement le contact humain lié à la prestation musicale. Entamé il y a quelque temps, le déconfinement entraîne à son tour un lot de questions quant aux modèles d’affaires qui seront potentiellement ceux du monde de la musique de l’après COVID 19.

À la suite d’un appel à projets lancé par le comité scientifique de l’Observatoire, des chercheur/e/s et des étudiant/e/s de l’OICRM et du Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son (BRAMS) entament quatre études qui s’inscrivent plus largement dans le mouvement de réflexions mondial[1] :

Musicien/ne/s confiné/e/s
Logiques sociales et musicales d’une présence sur les réseaux sociaux et le web

L’arrivée des technologies associée à l’essor numérique commande depuis plusieurs années déjà l’idée d’une transformation inévitable du métier de musicien/ne et de la pratique de l’écoute musicale. Le lien entre les interprètes et les auditeurs trouvent notamment une nouvelle expression dans l’accès au concert de manière virtuelle, que ce soit en simultané ou en différé. Le phénomène vécu depuis le mois de mars 2020 n’est donc pas totalement nouveau, mais il a cela de particulier qu’il s’accompagne de la disparition soudaine et complète du concert vivant, quel que soit le style musical. En transférant le lieu du concert de la salle, du bar, de la discothèque à celui de la chambre, du salon ou de la cuisine du ou des musicien/ne/s, que se passe-t-il?

Ce projet de recherche a pour objectifs 1) de documenter et d’analyser les motivations, les défis et les représentations derrière le contenu pour les organismes et les réseaux qui les ont diffusés. En s’interrogeant sur la nature de ces capsules vidéo, le projet permettra 2) de réfléchir à l’impact de ces contenus rendus banals par la pandémie sur les façons de faire traditionnelles qui valorisent systématiquement le concert vivant. L’intensité et la variété des actions entreprises depuis mars laissent croire que le nouveau mode d’adresse pourrait transformer le rapport des musicien/ne/s-interprètes aux publics et que de nouvelles possibilités d’échange pourraient émerger de cette production pléthorique de contenu numérique.

Équipe : Michel Duchesneau (UdeM/OICRM), Irina Kirchberg (UdeM/OICRM), Elsa Fortant (UdeM/OICRM), Émile Lesage (UdeM/OICRM), Pierre-Luc Moreau (UdeM/OICRM), Héloïse Rouleau (UdeM/Université de Liège/OICRM).

Innovation et musique classique en temps de pandémie

Ce projet de recherche s’appuie sur l’idée que la pandémie actuelle et les mesures de distanciation physique prises pour contrôler les risques sanitaires ont drastiquement bouleversé de nombreux secteurs de la société, dont celui de la musique. Le Conseil québécois de la Musique (CMQ) affirme en ce sens qu’afin « [d’]assurer sa découvrabilité et son appréciation, la musique de concert québécoise doit se démarquer par une offre mondialisée et créative, tout en rivalisant avec les meilleurs et les géants, dont les moyens financiers sont incomparables face aux budgets souvent limités [des membres du CMQ] ». Nous faisons l’hypothèse que la pandémie a une influence sur l’innovation et l’entrepreneuriat des compositeur/trice/s québécois/e/s.

La littérature en innovation nous indique qu’en période de crise, les organisations les plus innovantes sont celles qui s’en tirent plus facilement. Comment la pandémie a-t-elle influencé les pratiques d’innovation en musique classique et en musique de création? Nous observerons si les nouveaux facteurs incontrôlables engendrés par la pandémie actuelle amplifient l’incertitude dans le travail des musicien/ne/s-créateur/trice/s. Nous tenterons également de déterminer de quelles manières la pandémie affecte le processus et la capacité d’innovation des entrepreneur/se/s individuel/le/s dans le domaine des musiques de scène rattachées à la tradition classique.

Équipe : Marc-Antoine Boutin (UdeM/Sorbonne Université/OICRM), Danilo Dantas (HEC/OICRM), Antoine Gauthier (HEC/UdeM/OICRM), Vicky Tremblay (UdeM/OICRM), Danick Trottier (UQAM/OICRM).

Les habitudes musicales et leurs effets en période de crise sanitaire contre la COVID 19

La santé publique de nombreux pays a exigé la distanciation physique et l’isolement pour limiter la propagation du virus. Cette pandémie aura plusieurs impacts psychologiques sur la population. De nombreuses études ont démontré que l’écoute musicale apporte de multiples bienfaits sur la santé et le bien-être, incluant la réduction du stress et de l’anxiété. D’ailleurs, la plupart des individus rapportent écouter de la musique pour induire et moduler les émotions (par exemple, relaxer, se calmer). Cependant, les habitudes et les bénéfices d’écouter de la musique en période de crise sanitaire n’ont pas encore été explorés. L’objectif du projet de recherche est d’établir un portrait des habitudes d’écoute musicale dans la population générale (ex. les moments d’écoute, les styles de musique, les tâches exécutées en parallèle). Ce projet vise également à explorer les effets de la musique sur les émotions, la santé et le bien-être. Les habitudes musicales et leurs effets des répondants seront comparés pendant et avant la pandémie par le biais d’un sondage en ligne.

Équipe : Marie-Andrée Richard (UdeM/BRAMS), Isabelle Peretz (UdeM/BRAMS), Nathalie Gosselin (UdeM/BRAMS), Michel Duchesneau (UdeM/OICRM) et l’équipe de recherche sur la musique, les émotions et la cognition (MUSEC).

Les musiciens face à la pandémie
Santé mentale, bien-être et facteurs de résilience

Le présent projet de recherche a pour but de décrire différents facteurs pouvant influencer l’état psychologique des musiciens au Québec durant la pandémie et de proposer des recommandations pouvant les aider à traverser un état de crise. Plus spécifiquement ce projet a pour objectifs de 1) décrire l’état de santé psychologique (présence de symptômes anxiodépressifs, niveau de stress, difficultés de sommeil, isolement, niveau de bien-être), le soutien social et les facteurs de résilience (confiance en ses capacités d’action, acceptation positive des événements); 2) caractériser les stratégies mises en place par les musiciens québécois afin de faire face à l’adversité durant les différentes étapes de la crise sanitaire (durant le confinement et après le confinement) et 3) déterminer les besoins de santé, les plus saillants, durant le passage de cette crise sanitaire. La résilience des musiciens en temps de pandémie sera observée et archivée au fur et à mesure grâce à la réalisation d’un ou plusieurs films documentaires.

Équipe : Morgane Bertacco (UdeM/OICRM), Olivier Lassu (UdeM/OICRM), Nathalie Gosselin (UdeM/BRAMS), Isabelle Raynauld (UdeM/TECHNÈS), Caroline Traube (UdeM/OICRM).

Les impacts de la pandémie sur les pratiques en enseignement de la musique en contexte scolaire

La pandémie a eu des répercussions jusque dans les écoles qui ont dû cesser leurs activités en présentiel, du moins pour une période, et forcé le recours à de nouvelles modalités d’enseignement qui ont posé de nombreux défis. Ce projet vise à documenter les pratiques en enseignement de la musique en contexte scolaire pendant la pandémie et à générer une réflexion quant aux conséquences de ces bouleversements sur les besoins de formation initiale et continue des musiciens éducateurs.

Tout d’abord, nous souhaitons décrire dans quelle mesure l’enseignement de la musique s’est poursuivi et sous quelle forme : en ligne synchrone ou asynchrone, grâce à des envois de courriers, en présentiel lors du déconfinement, ou autres. Par la suite, nous aimerions explorer les ressources vers lesquelles les enseignants se sont tournés pour planifier leur enseignement : conseillers pédagogiques, aide des pairs et communauté de pratique, formation en ligne, plateformes institutionnelles (intranet des commissions scolaires, Récits des arts), réseaux sociaux, sites web (sites associatifs ou privés), trousse ministérielle ou autres. Dans un troisième temps, nous aimerions identifier les outils qu’ils ont utilisés pour la communication avec leurs élèves, pour l’enseignement et l’évaluation de ceux-ci (plateformes en ligne, logiciels, etc.). Finalement, nous aimerions comprendre les raisons pour lesquelles l’enseignement de la musique a été abandonné lorsque ce fut le cas (redéploiement des ressources enseignantes par manque de main d’oeuvre, craintes sanitaires liées à la pratique musicale par peur de contagion par le chant ou les instruments). Tout en documentant cette situation inédite, les résultats nous permettront d’identifier les besoins de formation continue pour les enseignants en poste et offriront des pistes pour bonifier la formation des étudiants des programmes en enseignement de la musique.

Équipe : Hélène Boucher (UQAM/OICRM), Vincent Bouchard-Valentine (UQAM/OICRM), Audrey-Kristel Barbeau (UQAM), Thierry Champs (UQAM), Isabelle Héroux (UQAM/OICRM), Marie-Soleil Fortier (UQAM/OICRM), Lorianne Rousseau (UQAM/OICRM) et Catherine Tardif (Université de Sherbrooke/OICRM).

Pour toutes questions concernant les différents projets de recherche, nous vous invitons à contacter Michel Duchesneau, directeur de l’OICRM (michel.duchesneau@umontreal.ca).

Télécharger le communiqué.

[1] Des groupes de travail se sont notamment mis en place à l’Institut Max Planck et au sein du « Working in Music International Research Network ».