Conférences de prestige 2021

L’OICRM et la Faculté de musique de l’Université de Montréal vous convient au cycle annuel de Conférences de prestige qui se déroulera en ligne, du 12 octobre au 16 novembre prochain. Dans le cadre du Séminaire de recherche en musicologie, ces conférences seront l’occasion d’entendre les musicologues Andrea Bohlman (University of North Carolina, Chapel Hill), Fanny Gribenski (CNRS, NYU, Laboratoire STMS), Nicolas Donin (IRCAM, laboratoire STMS) et Alejandro L. Madrid (Cornell University).

Programmation

12 octobre 2021, 9h
Andrea Bohlman
« Homemade Flexidiscs and the Everyday: Bootlegging Vinyl in the People’s Republic of Poland »

26 octobre 2021, 9h
Fanny Gribenski
« Accorder le monde. Musique, science, industrie et politique (XIXe-XXe siècles) »

9 novembre 2021, 9h
Nicolas Donin
« Analyser les processus de création musicale : joies, limites et alternatives »

16 novembre 2021, 9h
Alejandro L. Madrid
« Making an Archive and Listening to It. The Performativity of Archiving/Archival Labor »

Lien pour assister aux conférences
https://umontreal.zoom.us/j/85987060747?pwd=YW1rWmVDUEtNbjB1ZzN3YnBaeldLQT09
ID de réunion : 859 8706 0747
Code secret : 226076


Détails des conférences

12 octobre 2021, 9h

Andrea Bohlman (University of North Carolina, Chapel Hill) :“Homemade Flexidiscs and the Everyday: Bootlegging Vinyl in the People’s Republic of Poland” (« Les flexidisques artisanaux et le quotidien : Le trafic de vinyles en république populaire de Pologne ») [Conférence en anglais].

Cette présentation est consacrée au trafic de disques produits dans une économie parallèle en république populaire de Pologne vers les années 1950-1980. Les feuilles de polyéthylène appelées « cartes postales sonores » étaient copiées à partir de vinyles 45 tours sur des équipements assemblés par de petits entrepreneurs à partir de déchets d’usine, de systèmes hi-fi et autres technologies non-audio. Ces produits faisaient l’objet d’une véritable contrebande : des ingénieurs autodidactes installaient l’équipement dans des sous-sols et des garages d’autres individus pour de modiques sommes, se procuraient du plastique et d’autres matériaux par le biais d’échanges informels à travers la frontière est-allemande et distribuaient les produits clandestins dans des kiosques. Leur contenu sonore – des musiques populaires mainstream et banales telles que le rock‘n’roll anglais, le Schlager européen, l’Estrada soviétique et les groupes de polka américains – peut sembler assez mondain par rapport aux tropes sensationnelles de la guerre froide auxquelles les récits des musiques socialistes sont associés. Or, je conçois ces objets en tant qu’artéfacts multisensoriels de l’écoute quotidienne au temps du communisme. Le matériel d’archive que j’explore à travers les conversations avec des interlocuteurs dont l’enfance a été marquée par ces objets est rempli d’objets uniques. Certains enregistrements sont ornés de notes rédigées à la main alors que d’autres contiennent des messages vocaux. Plusieurs feuilles de plastique monochromes sont renforcées par du papier cartonné recyclé que les petits entrepreneurs récupéraient à partir de supports publicitaires. Ainsi, ma présentation situe ces flexidiques dans une écologie politique extrêmement locale en ce qui a trait à la culture sonore et visuelle, mais relie le stockage culturel et historique – au-delà des sons – à des questions plus larges sur la place des flexidisques dans la culture du vinyle.

 This presentation focuses on record bootlegs produced in a shadow economy (ca. 1950s-1980s) in the People’s Republic of Poland. The polyethylene sheets, called “sound postcards,” were copied from vinyl 45s on equipment cobbled together by petty entrepreneurs from factory discards, hi-fi systems, and other non-audio technologies. They are remarkable products of hustle: self-taught engineers housed the equipment in others’ basements and garages for a small fee, sourced plastic and other materials through informal exchange across East German border, and distributed the bootlegs through kiosks. Some might understand their sonic content—mainstream and commodified popular musics like Anglophone rock and roll, European schlager, Soviet estrada, and U.S. American polka bands—to be quite mundane when compared to the sensational Cold War tropes to which stories about socialist sound were hitched. But I understand these objects as multisensory artifacts of everyday listening during Communism. The material archive, which I explore in conversation with interlocutors whose childhoods were filled with these objects, is filled with unique objects. Handwritten notes adorn many recordings; some contain voice messages. Many of the monochromatic plastic sheets are bolstered with recycled cardstock that the petty entrepreneurs repurposed from advertising matter. My presentation unpacks these flexidiscs in an extremely local political ecology for sound and visual culture, but connects the cultural and historical storage they did—of more than just sounds—to larger questions about the place of flexidiscs in vinyl culture.

Andrea F. Bohlman étudie les enjeux politiques de la musique et du sonore des XXe et XXIe siècles par l’association de méthodologies archivistiques et ethnographiques. Elle est professeure associée de musique à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill aux États-Unis. La plupart de ses écrits traitent des questions d’agentivité politique et de stratégies de formation des mouvements sociaux par le biais du sonore et de la musique en Europe centrale et en Europe de l’Est. C’est le cas de son ouvrage Musical Solidarities: Political Action and Music in Late Twentieth-Century Poland. Les articles et les présentations de Bohlman sur l’histoire de l’enregistrement sonore – mixtapessoundwalks et flash mobs – se concentrent sur le quotidien, avec un enthousiasme particulier pour le travail créatif et l’enregistrement sur bandes sonores. Elle est également rédactrice en chef de Musicology Now, le périodique en ligne de l’American Musicological Society.

26 octobre 2021, 9h

Fanny Gribenski (CNRS, NYU, Laboratoire STMS) : « Accorder le monde. Musique, science, industrie et politique (XIXe-XXe siècle) »

La détermination d’une mesure unifiée pour la musique a été l’objet de nombreux débats, au centre d’intenses négociations entre pays et domaines d’expertise. Reflets de l’importance de ces échanges et de ces pratiques, des archives et collections à travers le monde conservent une riche documentation remontant au début du XIXe siècle, qui permet de reconstituer les discussions et les pratiques qui ont mené à l’adoption du ton du diapason la 440 lors d’une conférence internationale organisée à Londres en 1939. Pour l’essentiel, ces sources sont demeurées inexplorées et aucune étude n’a jusqu’ici éclairé la création de cette mesure. Alors que les historiens des sciences ont montré le caractère conventionnel des standards, en analysant les contingences historiques de leur production, l’histoire du la 440 n’a pas retenu l’attention des chercheurs, et apparaît souvent comme une pratique avantageuse, et allant de soi. À partir d’une combinaison de perspectives issues de la musicologie, des sound studies, de l’histoire transnationale, et des études de sciences, ma recherche offre un prolongement sonore aux travaux sur l’histoire des standards scientifiques et techniques, et met en évidence les champs d’expertise et les acteurs impliqués dans la détermination de la 440, ainsi que les outils, stratégies et politiques déployées pour mesurer, contrôler et réguler les fréquences sonores. Pourquoi la standardisation du diapason est-elle devenue un sujet de préoccupation au début du XIXe siècle ? Quels sont les acteurs et les pays qui furent investis d’une autorité pendant les négociations ? Et quelles sont les procédures qui ont gouverné l’adoption de ce standard. En répondant à ces questions, ma communication mettra en lumières les contingences qui ont sous-tendu la construction historique du diapason de concert la 440 et reconstituera les réseaux qui se sont littéralement efforcés d’accorder le monde.

Ancienne élève de l’ENS de Lyon, agrégée de musique et diplômée du Conservatoire de Paris en histoire de la musique et en esthétiqueFanny Gribenski est chargée de recherche au CNRS au sein du laboratoire Sciences et Technologie de la Musique et du Son à l’IRCAM. Son premier livre, tiré de sa thèse de doctorat soutenue en 2015 à l’EHESS s’intitule L’Église comme lieu de concert. Pratiques musicales et usages de l’espace (Paris, 1830-1905). Elle a été boursière de la Fondation Thiers, Fulbright Postdoctoral Fellow et Visiting Scholar à l’Université de Californie, à Los Angeles, et Dibner Fellow in the History of Science and Technology à la Huntington Library (San Marino, Californie). Elle achève actuellement la rédaction de son deuxième livre, Tuning the World, consacré à l’histoire de la standardisation du diapason en Europe et aux États-Unis, aux XIXet XXe siècles Elle est responsable des comptes rendus pour la Revue de musicologie et co-éditrice de la base de données Sound&Science: Digital Histories.

9 novembre 2021, 9h

Nicolas Donin (Ircam, laboratoire STMS) : « Analyser les processus de création musicale : joies, limites et alternatives »

Au cours des vingt dernières années, j’ai placé sous la bannière de l’ « analyse des processus de création musicale » tout à la fois une partie de mes recherches individuelles, plusieurs programmes de recherche abrités dans mon laboratoire, et une conférence internationale réunissant tous les deux ans des chercheur·e·s de domaines aussi variés que la philologie, la psychologie cognitive, la recherche-création ou l’informatique. S’il me paraît difficile de synthétiser en une conférence toutes les hypothèses et réalisations de cette communauté de recherche plus ou moins formalisée, il m’est au moins possible de souligner quelques-unes des lignes de force qui, pour moi, ont fait sens de manière récurrente au fil de mes travaux individuels et collectifs. Des joies, comme celle d’inventer des dispositifs de recherche adaptés à un objet complexe et évolutif. Des limites, comme celle d’une analyse musicale se dissolvant dans d’interminables descriptions. Et des alternatives, ou suggestions de prolongement, pour le présent et le futur.

Nicolas Donin est responsable de l’équipe de recherche ‘Analyse des pratiques musicales’ au laboratoire Sciences et Technologies de la Musique et du Son (Ircam-CNRS-Sorbonne Université). Ses travaux abordent les pratiques musicales savantes de la fin du XIXe siècle à nos jours, à partir de méthodes issues de la musicologie et des sciences humaines et en dialogue avec des créateurs et créatrices de notre temps. Il est auteur et co-auteur d’une centaine d’articles, chapitres d’ouvrages et volumes collectifs, parmi lesquels : Théories de la composition musicale au XXe siècle avec Laurent Feneyrou (Lyon : Symétrie, 2013), Un siècle d’écrits réflexifs sur la composition musicale. Anthologie d’auto-analyses, de Janáček à nos jours (Genève : Haute École de Musique / Droz, 2019), The Oxford Handbook of the Creative Process in Music (New York : Oxford University Press, en cours de publication). 

16 novembre 2021, 9h

Alejandro L. Madrid (Cornell University) : « Making an Archive and Listening to It. The Performativity of Archiving/Archival Labor » ( « Fabriquer une archive et l’écouter : La performativité du travail d’archivage/archivistique ») [Conférence en anglais].

Cette présentation se fondera sur une analyse de l’exposition sonore « Critical Constellations of the Audio-Machine in Mexico » présentée à la gallerie Krunstraum Kreuzberge/Bethanien de Berlin dans le cadre du festival CTM 2017. Elle portera une réflexion quant aux implications politiques de la construction et de la déconstruction des archives. Ainsi, il sera question d’observer la manière dont Carlos Prieto, le commissaire de l’exposition, introduit le chaos dans les archives afin d’en désactiver les récits nationalistes constituants du canon de la musique mexicaine pour les réarticuler de façon rhizomatique et inédite par un engagement actif avec la corporalité de l’auditoire. À cet égard, j’explorerai comment l’éloignement peut ouvrir de nouvelles voies vers une reconfiguration postnationale des politiques du corps. Je montrerai que le travail d’archivage/archivistique entrepris par Prieto engendre une économie libidinale qui, en accord avec les théories de Deleuze et Guattari sur la schizophrénie, peut éventuellement fournir les conditions épistémiques vers de nouveaux ordres socio-personnels.

This presentation takes an analysis of “Critical Constellations of the Audio-Machine in Mexico,” a sound exhibit presented at Berlin’s Krunstraum Kreuzberge/Bethanien Gallery as part of the 2017 CTM Festival, to ponder the political implications of archival construction and deconstruction. By paying attention to how Carlos Prieto, the exhibit’s curator, introduces chaos into the archive in order to deactivate the nationalist narratives behind the Mexican music canon and to rearticulate it in novel rhizomatic ways through an active engagement with his audiences’ corporeality, I explore how estrangement may open new paths for a postnational reimagination of the body politics. I argue that Prieto’s kind of archiving/archival labor generates a libidinal economy that, in tune with Deleuze and Guattari’s theorization about schizophrenia, may provide the epistemic conditions for new socio-personal orders.

Alejandro L. Madrid est théoricien de la culture. Ses travaux historiques, ethnographiques et critiques portent sur la musique et la culture expressive de l’Amérique latine et des latinxs aux États-Unis. À la croisée de la musicologie, de l’ethnomusicologie et des performance studies, ses travaux explorent les questions liées au transnationalisme et à la diaspora, au genre et à l’embodied culture de même que l’historiographie, la narration et les modes alternatifs de production de connaissances sur la musique du long XXe siècle. Madrid est l’auteur de plus d’une douzaine de livres qui lui ont valu de nombreux prix nationaux et internationaux, dont la Dent Medal de la Royal Musical Association et de l’International Musicological Society, le Premier prix de la Musicología Casa de las Américas, le prix du livre Mexico Humanities Book de l’Association Latin American Studies, le prix Béla Bartók de l’ASCAP/Deems Taylor Awards, le prix du livre Woody Guthrie de l’International Association for the Study of Popular Music, de même que le prix Robert Stevenson, Ruth Solie et Philip Brett de l’American Musicological Society. Son plus récent livre intitulé Tania León’s Stride. A Polyrhythmic Life sera publié en 2021 par University of Illinois Press. Madrid est également éditeur de la série Currents in Latin American and Iberian Music d’Oxford University Press et coéditeur de la revue Twentieth-Century Music. Il est professeur de musicologie et d’ethnomusicologie de même que président du Département de musique à l’Université Cornell.


Conférences organisées avec le soutien généreux de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, de l’OICRM et du Fonds Jean-Jacques Nattiez pour le développement de la musicologie.

Consultez l’affiche des Conférences de prestige 2021.